Vous culpabilisez car vous avez régulièrement des coups de mou ? Et les injonctions du type « allez, secoues toi ! » ne fonctionnent pas et ne font qu’aggraver votre sentiment d’impuissance ou de culpabilité ?
La bonne nouvelle est que la science fait des bonds de géant dans ce domaine et il est maintenant clairement établi que la dépression n’est pas juste affaire de volonté, c’est aussi beaucoup une question de nutrition.
La psychiatrie nutritionnelle
Cela ne fait qu’une quinzaine d’année que les chercheurs prennent conscience de l’impact de ce que l’on mange sur notre cerveau et combien cela joue un rôle central dans la dépression, et, de façon plus globale sur notre humeur.
Ces avancées scientifiques se situent à la frontière de la nutrition et de la psychiatrie et les articles scientifiques sur ce sujet se succèdent à un rythme quasi journalier.
Les chercheurs considèrent que c’est une nouvelle discipline à part entière : la psychiatrie nutritionnelle, que l’on peut définir comme la discipline qui étudie la façon dont les nutriments affectent notre humeur et notre comportement.
Elle concerne l’humeur, mais aussi notre tolérance au stress, l’inflammation, la vitalité, le sommeil, la cognition et les comportements dysfonctionnels. Cette nouvelle discipline regroupe essentiellement des épidémiologistes, chercheurs en nutrition et en psychiatrie.
SMILE
Je me suis intéressée au sujet en 2017/2018 après avoir découvert l’essai SMILE du « Food and mood Center » de l’Université Deakin à Melbourne en Australie(1).
Ses incroyables résultats m’ont interpelée.
Les participants de cette étude scientifique sérieuse souffraient tous de dépression (modérée à sévère). Après avoir adopté pendant 3 mois un régime sans produits ultra transformés et comprenant d’importantes quantités de végétaux, 30 % ont connus une rémission clinique complète de leurs syndromes dépressifs.
En d’autres termes, 30% des patients, authentiquement dépressifs, ont été guéris en 3 mois simplement en changeant d’alimentation.
Le régime méditerranéen, mais pas que
Quels sont les aliments à privilégier ? L’essai SMILE, puis beaucoup d’autres, ont étudié le régime méditerranéen.
Pour faire un résumé de sa composition : tous les jours (de l’activité physique, de l’eau, des fruits, légumes, céréales complètes, épices et noix), chaque semaine (poisson, œufs, viande blanche, légumineuses et produits laitiers à base de lait de chèvre ou de brebis), de temps à autre (petits plaisirs sucrés et viande rouge).
Mais il est important de noter que tous les régimes traditionnels, partout dans le monde, obtiennent des résultats comparables dans les diverses études quand ils ne contiennent pas d’aliments ultra transformés et comportent d’importantes quantités de végétaux. Ils sont alors aussi associés à une meilleure santé mentale, et diminuent de 30 à 35% le risque de développer une dépression.
Aliments ultra transformés
Pour les études concernant les aliments ultra transformés (AUT) les chercheurs ont fait l’inverse de l’essai SMILE, ils ont sélectionné des adultes exempts de symptômes de dépression et ils ont augmenté les doses d’aliments ultra transformés.
Le résultat de trois méta-analyses est sans appel, l’augmentation de produits ultra transformés dans le régime alimentaire va directement de pair avec une augmentation du risque de déclarer des symptômes dépressifs (2).
Qui de la poule et de l’œuf ?
Les grands sceptiques vont proclamer « c’est bien connu, quand on est déprimé on mange mal, et pas l’inverse ! ».
Les résultats sont sans appel (1).
La Professeur Felice Jacka, pionnière et figure d’autorité dans le champ de la psychiatrie nutritionnelle a pris soin de vérifier dans plusieurs études que ce n’était pas la dépression qui entraînait un appauvrissement du régime alimentaire.
Troubles bipolaires & régime cétogène
Le champ de recherche et d’application ne cesse de s’élargir.
Des résultats encourageants récents montrent des effets sur les troubles bipolaires du régime cétogène (riche en lipides et pauvre en glucides) (2).
Les aliments sont étudiés les uns après les autres et les études se succèdent à un rythme très soutenus.
Une certitude d’ores et déjà, ce que nous mettons dans notre assiette au quotidien a un fort impact sur notre humeur.
En résumé : de bons aliments ET très peu d’aliments ultra transformés.
Selon Felice Jacka, il y a deux paramètres qui constituent une « bonne alimentation » du point de vue de la santé mentale et de l’humeur : manger suffisamment de bons aliments (végétaux, légumes, fruits, céréales, légumineuses, noix et graines) ET avoir une alimentation comprenant une faible quantité d’aliments ultra transformés (AUT).
Il faut combiner les deux, une alimentation saine à la maison ne suffit pas si en dehors de la maison on consomme de la « junkfood », que l’on soit un ado allant dans une grande chaîne dont la mascotte est un clown ou un adulte en déplacement professionnel et qui pressé mange des plats préparés.
Si la lecture de cet article vous a donné envie et que vous souhaitez vous lancer dès aujourd’hui cela peut être plus facile que vous ne le pensez.
Vous pourriez par exemple commencer à plusieurs par changer vos habitudes au travail et vous renseigner sur la réalité des aliments ultra transformés pour les rendre moins désirables.
La fin du coup de barre de 14h00
En 2018 après avoir mesuré l’impact de la nourriture sur l’humeur, nous avons systématiquement fait un court travail avec toutes les équipes accompagnées sur les aliments et boissons mis à disposition sur le lieu de travail et, surprise, l’immense majorité des participants souhaitaient, dans les faits, autre chose que des boissons sucrées et des viennoiseries ou gâteaux qui abondaient pendant les pauses.
Ils ne s’étaient juste pas posé collectivement la question. De l’eau fraiche, du bon café, un choix sympathique de thé et des fruits on fait le bonheur de la majorité, sans surcoût, et avec une diminution des coups de barre de 14h00. Certaines équipes contenant de grands sportifs ont ajouté des oléagineux et du chocolat noir.
Vous pourriez commencer simplement en discutant en équipe du contenu de vos pauses café et autres moments de convivialité et voir ce que vous souhaitez vraiment collectivement. Il est souvent plus simple d’introduire et de maintenir de nouvelles habitudes en groupe.
Trouvez vos « frites immortelles »
Concernant nos mauvaises habitudes, alimentaires ou nom, il est toujours utile de provoquer un « désenchantement ». En effet, quand le cerveau réalise que l’habitude qu’il a ancré pour votre bien n’est dans les faits pas le bon choix, il est capable de reprogrammation(3).
Me concernant, les « frites immortelles » ont largement participé à mon dégoût des chaînes de fastfood par exemple.
Dans le centre de sciences que je dirigeais au début des années 2000 nous avions accueillie l’exposition « Creepy Crawly » du centre danois Experimentarium (4). Nous avions traduit le titre de l’exposition par « Les petites bêtes qui vivent avec nous et sur nous« .
Une des installations qui avaient frappé les visiteurs était une grande armoire transparente avec un côté réfrigéré et l’autre non. Des aliments identiques étaient posés de chaque côté et des photos prisent automatiquement à intervalles réguliers, transformées en petits films pour voir en accéléré le processus de putréfaction.
Cela permettait de voir les différences de vitesses de putréfaction entre les aliments mais aussi entre ceux dans le frigo et ceux à température ambiante.
C’est là que j’ai découvert ces « frites immortelles ».
Nous avions mis un cornet de frites d’une célèbre chaine de fastfood dans cette armoire à deux compartiments …. et avons constaté qu’elles ne pourrissaient pas. Conservant leur aspect d’origine des jours, des semaines …. des mois… D’où leur surnom de « frites immortelles ».
Mieux comprendre ce que nous mangeons peut créer les conditions de désenchantement et nous aider à nous défaire d’habitudes alimentaires si nous le souhaitons.
Vous pouvez vous aussi tester l’expérience des frites immortelles ou juste regarder le documentaire « Supersize me » de 2004 (5). qui nous avait donné l’idée de ce test. Si vous ne l’avez pas vu, c’est un documentaire que vous pouvez voir en famille. Il est tout aussi ludique qu’instructif.
- https://foodandmoodcentre.com.au
- Article « La recette du bonheur » d’Hélöise Rambert dans le magazine Epsilon d’octobre 2024
- Voir les recherches de Justin Brewer dont une partie est reprise en français dans son livre « Craving, comment on devient accro et comment s’en libérer » https://arenes.fr/livre/le-craving/
- https://www.experimentarium.dk
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Super_Size_Me