Si je vous disais : « Depuis ce matin 8 heures un groupe est retenu dans un bâtiment depuis plusieurs heures assis, sans pouvoir faire pipi, ni s’étirer, ni boire de l’eau, ni échanger librement entre eux. » Vous penseriez certainement « Oh ! Une prise d’otage ! C’est où ? ».
Dans de très nombreux endroits dans les faits. C’est juste le quotidien professionnel de (trop) nombreux français….
Au travail, où dans de nombreuses entreprises les réunions s’enchaînent sans pause, toute la journée ou presque.
Des tonnes de livres
C’est un mal bien connu et très étudié. Littéralement des tonnes de livres ont été écrits sur les réunions.
J’ai par curiosité tapé « Réunions » sur le catalogue général en ligne de la Bibliothèque Nationale de France (BnF). Au pluriel, pour éviter d’avoir des références sur l’île de la Réunion. Résultat : 12.774 Notices Biographiques. Si on ne retient que les livres papier & électroniques il en reste 3.215. Ensuite j’ai pesé de façon aléatoire une partie des livres de ma bibliothèque de travail. En moyenne un de mes livres de travail pèse 540 grammes. Pour les 3.215 livres de la BnF, cela représenterait 1,7 tonnes de livres sur les réunions….
Enchaîné à son siège
L’image de la prise d’otage vous choque ? C’est pourtant le résultat de la réunionite aiguë : être enchainé à son siège de longues heures. Et depuis le COVID, avec le réflexe de faire toutes les réunions en visio, même plus les 3 minutes de marche pour se rendre d’une salle à l’autre. Nous demandons régulièrement à nos clients de calculer le nombre d’heure de réunions auxquelles ils ont été invités dans la semaine. Juste d’additionner le temps de toutes les réunions présentes dans leur agenda. Qu’ils aient le temps matériel d’y assister ou pas. Dans la majorité des cas cela excède 35 heures et trop souvent nous avons des réponses au-delà de 70 heures. Résultat ? Des réunions non préparées, des besoins physiologiques non satisfaits, du multitasking, et une charge mentale importante.
Une résistance au changement
Les solutions semblent simples. Des réunions plus courtes, mieux préparées et plus efficaces. Cela ne coûte rien, peut rapporter gros, et les solutions sont simples et compréhensibles par tout le monde.
Mais alors pourquoi la réunionite règne en maître sur les agendas ? Nous en arrivons au #PFH, le P**tain de facteur humain. Parce que c’est parfois plus fort que nous.
Notre nature profonde
La façon dont nous abordons les réunions dépend de notre nature profonde, de notre combinaison unique d’aptitudes cognitives, de talents. Réfléchissez à ce qui est une bonne réunion pour vous : Une réunion où l’on a terminé ce qui devait être fait même si on dépasse l’heure de fin prévue ou une réunion qui a une conclusion même intermédiaire mais qui termine à l’heure ? Une réunion où on décide ou une réunion où l’on recueille l’avis des participants ? Une réunion avec un ordre du jour envoyé à l’avance ou plutôt fixé en début de réunion ? Une réunion qui commence par un rappel des chiffres clefs ou par un tour de table des émotions du jour de chacun(e) ? Et je pourrais continuer comme cela.
Une illusion de productivité
Nos talents jouent tous un rôle mais certains plus que d’autres quand il s’agit de discipliner nos agendas. En particulier deux talents utiles pour envoyer du lourd et optimiser qui peuvent donner beaucoup de plaisir et … une illusion de productivité. Ils sont assez répandus chez les leaders et les managers. Vous les possédez peut-être et cela risque de vous rappeler quelqu’un.
Les maniaques de la TO DO LIST
Si comme moi vous aimez « envoyer du lourd », « abattre du travail », vous avez peut-être un grand plaisir à terminer des tâches. Beaucoup de tâches. Pour à la fin de la journée avoir accompli quelque chose de tangible. Vous aimez les journées bien remplies. Les agendas bien remplis.
Les accros du Tétris
Si comme d’autres vous adorez optimiser et « faire du Tétris » dans le coffre de votre voiture, votre lave-vaisselle ou …votre agenda. Il y a fort à parier que le moindre espace sera utilisé pour y glisser un bagage ou une assiette de plus, … et dans votre agenda le moindre vide sera optimisé pour y faire rentrer, parfois au chausse-pied, une réunion de plus. Ne plus avoir de temps-morts.
Être occupé est bien différent d’être productif.
Agenda « Bien rempli » + « sans temps morts » = satisfaction personnelle immédiate. C’est tout. Ce n’est nullement un gage ni de productivité ni de satisfaction réelle. Ces deux talents servent autant à remplir un agenda qu’un lave-vaisselle. Ils n’ont pas de composante de réflexion ou de choix. On peut tout à fait avoir un grand plaisir à juste déplacer un gros tas de cailloux ou réagencer son salon.
Week-end 1 / Week-end 2
Laissez-moi vous partager l’exemple que je partage souvent avec mes clients fan de TO DO LIST pour illustrer la maîtrise de ce talent.
Si vous possédez le talent d’envoyer du lourd, si vous aimez finir des tâches, vous avez très certainement connu un ou plusieurs des week-ends que je vais décrire ci-dessous.
Le premier type de week-end est celui où l’on commence dès le vendredi à faire 1000 petites choses, changer une ampoule, réaccrocher un cadre, emmener le petit dernier à la danse et cetera, et où le dimanche soir arrivé, on s’écroule sur le canapé en ayant l’impression de ne pas avoir arrêté doublée d’un vague sentiment de frustration et d’inachevé.
Le 2e type du week-end est celui où vous avez identifié clairement quelque chose de tangible à faire. Comme par exemple un grand nettoyage de printemps du jardin et la mise en route du barbecue, ou une pièce à repeindre. Vous avez anticipé un minimum vous avez commandé et reçu le matériel tout est prêt et vous vous lancez avec plaisir. Quel plaisir d’avoir bouclé le tout le dimanche à 13h00 ! Détendu(e) et avec le sentiment du devoir accompli. Vous contemplez le poivron qui grésille sur votre barbecue en attendant les amis ou vous vous extasiez en famille sur le nouveau look du salon une fois les peintures terminées. Le plaisir est grand, la productivité était au rendez-vous, et cerise sur le gâteau, il vous reste du temps et un bel après-midi à passer en famille ou entre amis.
Tout l’enjeu est de mieux connaître son mode de fonctionnement pour connaître plus de week-end de type 2, à la fois plus plaisants et plus productifs. La clef, pour ce talent d’exécution spécifique, est de visualiser en amont, chaque jour, l’élément tangible à accomplir pour concentrer ses efforts et éviter de laisser sa nature profonde partir dans tous les sens.
Bourrer son agenda de réunion, les enchainer sans pause et « Shooter ses mails au kilomètre », c’est vraiment une approche de type Week-end 1.
Prendre le temps d’identifier au quotidien les briques à poser, « l’accomplissement du jour », c’est nourrir son plaisir et sa productivité. C’est connaître plus de « Week-end 2 ».
Optimiser ou entraver
Il en va de même pour les adeptes du Tétris. Mon exemple favori est celui de la paire de chaussettes. Imaginez que vous avez des escaliers à la maison, et que sur le petit meuble en bas des escaliers est posée une paire de chaussettes appartenant à votre ado. Si vous possédez le talent du Tetris, au moment de monter dans votre bureau, les bras déjà bien chargés, vous aurez le besoin irrépressible d’attraper cette paire de chaussettes en montant pour la remettre dans la chambre de l’ado. Monter des escaliers les mains vides, c’est vraiment pour vous une perte de temps, une attitude que vous ne comprenez pas.
Mais voilà, la paire de chaussettes était là pour une raison précise, il avait anticipé son cours de sport du soir et cela devait lui permettre de juste déposer son sac à dos et d’attraper la paire de chaussettes et ainsi ne pas manquer le bus de 18h30, clé pour être à l’heure pour son match ce soir.
Le besoin irrépressible d’attraper et de monter cette paire de chaussettes qui n’étaient pas à vous, a eu comme résultat, que ce soir-là votre ado a contemplé ses équipiers depuis le banc de touche car il est arrivé trop tard.
Optimiser l’agenda jusqu’à ne plus avoir de temps mort, déplacer vos réunions mais également celles où vous allez convier d’autres personnes, c’est au bout du compte, beaucoup de salariés sur le banc de touche, dans l’incapacité de se poser et de préparer leur réunion. D’arriver détendus préparés et productifs.
À chaque fois que vous ressentiez le même besoin irrépressible de bouger une réunion ou de remplir un vide, pensez à cet ado sur le banc de touche et n’hésitez pas à laisser la chaussette sur le meuble.
Optimiser son temps de travail pourquoi pas, jongler sans recul avec celui des autres, non.
La self-expertise des leaders
Dans cet article je n’ai expliqué que deux aptitudes cognitives, qui mal maîtrisées peuvent avoir un impact fort et entretenir la réunionite. Il en existe d’autres. Vous aurez compris que comme c’est la nature profonde des individus et qui est ici en jeu, il est très difficile d’aller contre sa nature profonde. Les injonctions ne tiennent qu’un temps. La seule réponse durable et celle de la connaissance de soi.
Un leader ou un manager qui se connaît bien saura créer les conditions, et prendre au quotidien toutes ces micro-décisions qui permettent de guérir de la réunionite.
J’en profite pour saluer tous les leaders qui au quotidien créent les conditions favorables pour que tout le monde puisse se poser, interagir et être efficace. Ils sont loin de la « culture pompier » qui prévaut dans de nombreuses organisations, et pas toujours vu à leur juste valeur.
Pourtant le jeu en vaut la chandelle. Réduire le temps de réunion a de nombreux bénéfices.
La réunion de 45’, la mesure QVT gratuite par excellence
Vous allez bientôt préparer vos actions QVT pour l’année prochaine ? Pourquoi ne pas instaurer la réunion de 45 min ?
Vous avez le temps de la tester au niveau des décideurs avant de la laisser doucement se répandre dans le reste de l’organisation.
Vous serez prêt en juin prochain pour annoncer que vous l’avez fait ! Pour dire « Chez vous, les salariés ont du temps entre 2 réunions. »
Réduire le temps, garder les pauses
Les réunions de 60 min. deviennent des réunions 45 min, les réunions de 30 min deviennent des réunions de 20 min, les réunions de 15 min deviennent des réunions de 10 min. Et surtout on garde bien les temps intermédiaires de pause entre ces réunions.
Cette simple mesure, totalement gratuite, et pour laquelle vous n’aurez à vous battre avec aucun syndicat, permet plusieurs choses simultanées et importantes :
Augmentation du bien-être des salariés
La possibilité entre chaque réunion de pouvoir s’étirer, marcher quelques pas, passer aux toilettes, boire un verre d’eau et cetera.
Bref tous ces besoins physiologiques de base que de nombreux salariés ne peuvent satisfaire au quotidien. C’est une augmentation immédiate et très importante du bien-être des salariés. Une vraie belle mesure de QVT.
Augmentation de la coopération
du temps entre les réunions c’est également le temps de se déplacer physiquement d’une salle à l’autre. Trop souvent avec des réunions qui s’enchaînent sans répit les unes à la suite des autres il n’y a plus le temps matériel pour pouvoir se déplacer. Et du coup on se retrouve enchaîné à sa chaise en visio. Seule façon d’être à l’heure en réunion.
Recréer du temps et de l’espace entre les réunions va permettre les échanges informels qui permettent des échanges apaisés mais aussi le fait de pouvoir physiquement se déplacer dans l’entreprise à la rencontre des autres collègues. Cela peut avoir un impact fort sur la réduction du travail en silo, et favoriser la coopération…
Augmentation de la productivité
En permettant à chacun, avec ce petit temps libre retrouvé, de finaliser correctement la réunion en mettant au clair les idées principales et en pouvant faire rapidement un petit coup de fil ou un mail cela permet de capitaliser sur les réunions et d’éviter ces réunions dans lesquelles on ne sait plus réellement ce qui a été convenu la fois précédente, on rediscute en partie du même sujet et cetera.
Ceux de mes clients qui y ont goûté ne reviendrait en arrière pour rien au monde.
Et vous ?
Si vous faites déjà, prenez le temps de le dire et de le communiquer.
Si vous êtes leader ou manager, lancez-vous, commencez par toutes les réunions sur lesquelles vous avez la main.
Si vous participez à des réunions sur lesquelles vous n’avez pas la main, partagez cet article et les témoignages de ceux qui sont déjà pratiquant pour donner aux autres envie de tester.