Considéré longtemps comme un « Neuromythe » l’effet Mozart n’a pas dit son dernier mot. Une étude de 2021 publié dans la prestigieuse revue Nature avait donné des résultats intéressants, deux métanalyses de 2024 les confirment, la sonate de Mozart pour deux pianos en ré majeur K448 a bien des effets thérapeutiques en matière d’épilepsie.
L’origine de l’expression « Effet Mozart »
En 1993, une équipe de chercheurs de la University of California at Irvine sous la direction de Frances H. Rauscher a cherché à savoir si l’écoute musicale contribuait au développement cognitif chez l’adulte et, plus spécifiquement, si la musique de W. A. Mozart améliorait les performances spatio-temporelles.
Les 36 participants de l’étude ont été divisés en 3 groupes. Pendant 10 minutes, l’un a écouté le premier mouvement de la Sonate pour deux pianos en ré majeur K448(1) de Mozart pendant qu’un deuxième groupe écoutait une musique de relaxation (The shining ones de Thorton) et qu’un troisième groupe patientait en silence. Ensuite les participants à l’étude ont été soumis à des tests d’intelligence classiques extraites du Stanford-Binet Intelligence Scale.
L’oeuvre pour deux pianos de W. A. Mozart a été choisie pour son caractère vif et stimulant. Le premier mouvement de cette sonate est aussi caractérisé par des traits de gammes rapides échangés entre les pianistes, ce qui donne l’impression d’un mouvement perpétuel et continu. À l’opposé, l’œuvre de Thorton est calme et statique (2.)
Plus intelligent… pendant 10 minutes
Les participants ayant écouté l’œuvre de Mozart ont obtenu des résultats supérieurs et ont augmenté leur quotient intellectuel de huit à neuf points comparativement aux participants des deux autres groupes.
Cette étude a donné lieu à un véritable engouement, et une interprétation un peu large du phénomène, les médias ayant abusivement fait un raccourcit et diffusé l’idée que écouter Mozart rendait intelligent. Les pouvoirs publics ont embrayés et par exemple, les États du Tennessee et de la Géorgie se sont mis à offrir un CD à chaque nouveau-né. Puis, en 1999, la Floride a demandé aux crèches publiques de diffuser de la musique classique aux enfants » (3). La France n’a pas été épargnée par ce phénomène.
Pourtant dès 1993, Rauscher et son équipe avait cependant fait remarquer que l’effet positif de l’écoute mozartienne sur les performances était temporaire et observable seulement sur une période de 10 à 15 minutes.
La communauté scientifique est restée assez sceptique sur l’étude de 1993, critiquant sa faiblesse méthodologique et son caractère non-reproductible
En 2010, une méta étude conduite à l’Université de Vienne conclue à la faiblesse de ces recherches et impose la conclusion que l’effet Mozart est un Neuromythe. Seuls des effets sur le stress semblent significatifs.
La piste de l’épilepsie
C’est pour les patients souffrant d’épilepsies résistantes aux traitement médicamenteux que la science récente rehabilite l’effet Mozart.
En France c’est près de 700.000 personnes souffrant d’épilepsie(4). Et un tiers des patients est reconnu comme pharmaco-résistant, c’est-à-dire que les crises persistent malgré le traitement médicamenteux.
Une étude de 2021(5), également publiée dans la revue Nature, a permis de mieux commencer à comprendre les mécanismes d’action du K448 sur l’épilepsie.
C’est au moyen de sondes implantées directement dans le cerveau des 16 patients étudiés que le phénomène électrique cérébral de l’épilepsie a pu être étudié de près. Et les conclusions sont claires, l’écoute de ce morceau présente des effets thérapeutiques réels pour ces patients.
De plus en plus de preuves appuient l’effet Mozart sur l’épilepsie, avec des études notables comprenant des essais contrôlés randomisés et des méta-analyses complètes. Deux méta-analyses de 2024(6&7) font le point sur la recherche scientifique en la matière et viennent confirmer l’étude de 2021.
Vers un genre musical antiépileptique ?
C’est le but du projet français de Nantes Métropole Epilepsia Waves lancé en mai 2024. Imaginé par Éva Ménard, et porté par des acteurs scientifiques de premier plan, il propose d’expérimenter la création d’un répertoire original, unique et moderne comme traitement non-invasif complémentaire pour les personnes épileptiques. Le recrutement de bénévole est en cours.
L’effet Mozart n’a pas dit son dernier mot.
En attendant les prochains développements scientifiques, pourquoi ne pas poursuivre la lecture de cet article par l’écourte du fameux K448 ? Par exemple interprété par Martha Argerich & Daniel Barenboim en 2014 à Berlin en suivant ce lien https://www.youtube.com/watch?v=ZM6HOKSrILo
- Si vous vous demandez pourquoi les œuvres de Mozart sont toujours citée avec un numéro précédé d’un K, c’est juste la référence au catalogue Köchel ou Köchelverzeichnis en allemand, qui est un inventaire chronologique des œuvres de Wolfgang Amadeus Mozart, dressé par Ludwig von Köchel puis complété après sa mort par d’autres spécialistes https://fr.wikipedia.org/wiki/Catalogue_Köchel#:~:text=Le%20catalogue%20Köchel%20ou%20Köchelverzeichnis,mort%20par%20d’autres%20spécialistes.
- https://www.mus.ulaval.ca/sites/mus.ulaval.ca/files/2020-11/REEM_25_Mozart.pdf
- https://www.lepoint.fr/eureka/l-effet-mozart-existe-t-il-vraiment-23-05-2023-2521385_4706.php#11
- https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2024/l-epilepsie-apparait-comme-un-marqueur-des-inegalites-de-sante-en-france
- Musical components important for the Mozart K448 effect in epilepsy, Robert J. Quon, Michael A. Casey, Edward J. Camp, Stephen Meisenhelter, …. https://www.nature.com/articles/s41598-021-95922-7
- A systematic review of the Mozart effect in adult and paediatric cases of drug-resistant epilepsy: A sound approach to epilepsy management Lucrezia Maria Piccicacchi 1, Domenico Serino 2, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38636110
- The effects of Mozart’s music on interictal activity in epileptic patients: systematic review and meta-analysis of the literature Samaneh Sadat Dastgheib 1, Parvaneh Layegh, Ramin Sadeghi, Mohsen Foroughipur, Ali Shoeibi, Ali Gorji, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24272274
- À la croisée d’une aventure scientifique, artistique et humaine, ce projet est le résultat d’une collaboration inédite d’acteurs : l’un des plus grands spécialistes internationaux en épilepsie, le Professeur Fabrice Bartolomei, qui dirige le service d’épileptologie à La Timone à Marseille, en partenariat avec l’association de patients Épilepsie-France représentée par son président Christophe Lucas, l’experte en Innovation Santé Aude Nyadanu, et une pépinière d’artistes et compositeurs le collectif Øpera. Pour en savoir plus https://www.epilepsie-france.com/ et https://epilepsiawaves.com